La Biominéralisation

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Figure 1 : Photos de la paroi de diatomées au microscope électronique à balayage (Round et al 1990).

Une petite histoire de Biominéralisation ?

La biominéralisation regroupe l’ensemble des phénomènes conduisant à la formation de minéraux par les organismes vivants.

Ce domaine me passionne tout particulièrement. En effet, c’est sur ce sujet que j’ai concentré mes recherches lors de ma thèse de doctorat. J’ai étudié les mécanismes de biominéralisation de la silice chez les diatomées, des microalgues très répandues et dotées d’une grande diversité spécifique.

Les biominéraux peuvent être à l’origine de formations impressionnantes. Par exemple, les falaises calcaires de Normandie et du nord de l’Angleterre sont le résultat de l’accumulation de coccoliths, des structures calcaires fabriquées par des algues microscopiques, les coccolithophoridés.

La biominéralisation est une source d’inspiration pour le développement de nouveaux matériaux, ainsi que pour la création de nouveaux procédés biomimétiques plus respectueux de l’environnement.

Minéraux et organismes

On recense plus de soixante minéraux différents formés par les organismes parmi les 5 règnes (animal, végétal, fongique, bactérien, protiste). Les principaux sont présentés dans le tableau 1. Ces minéraux peuvent être amorphes, cristallins ou polycristallins. Les plus abondants sont les carbonates (CaCO3), les opales (SiO2) et les oxydes de fer (Fe3O4…). Dans le cas de la biominéralisation au sens strict, le rôle des structures minérales est variable : perception de la gravité, magnétotactisme, défense contre les prédateurs, stockage d’ions (ferritine)… 

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Tableau 1 : Formules et fonctions des principaux minéraux trouvés chez les organismes (Mann, 1988).

Dans le cas de la biominéralisation stricto sensu, la formation des structures minérales nécessite un espace confiné, le contrôle de l’apport en ions, la présence de sites de nucléation et le contrôle de la morphologie. La plupart du temps, les processus de biominéralisation impliquent le concours de macromolécules acides (protéines ou glycoprotéines) riches en acide aspartique, phospho-sérine et polysaccharides sulfatés. 

Dans le cas de la biominéralisation passive (non contrôlée par les organismes) qui contribue à la formation des microbialites comme les stromatolites, les processus de formation impliquent la plupart du temps la chélation des minéraux à la surface des organismes ou des substances excrétées et/ou la formation d’environnements sursaturés. 

Après l’oxygène et le carbone, le silicium est l’élément le plus abondant sur terre. Les principaux organismes minéralisant la silice (SiO2) sont (Tableau 2) (Lowenstam, 1981) : 

  • Chez les protistes : les diatomées, les radiolaires et les héliozoaires ; 
  • Chez les animaux : les éponges, les annélides, les mollusques, les arthropodes et les échinodermes ; 
  • Chez les plantes : les trachéophytes. 

    Des biomatériaux aux nanotechnologies : des applications innovantes

    La recherche sur la biominéralisation offre de nombreuses applications potentielles, ces applications représentent des opportunités pour les entreprises dans divers domaines :

    1. Médecine et biomatériaux : La création de nouveaux biomatériaux pour les implants médicaux et l’encapsulation de substances actives (médicaments).
    2. Protection de l’environnement : La dépollution par absorption et fixation des métaux lourds ou d’autres polluants de l’environnement. 
    3. Industrie des matériaux et de la construction : La biominéralisation peut inspirer le développement de nouveaux matériaux de construction écologiques et durables en imitant les procédés mis en œuvre par les organismes.
    4. Stockage de dioxyde de carbone : La biominéralisation peut également être utilisée pour séquestrer le dioxyde de carbone atmosphérique, aidant ainsi à atténuer le changement climatique.
    5. Nanotechnologie : Comprendre les processus biologiques de formation des minéraux peut ouvrir de nouvelles voies dans la fabrication de nanostructures contrôlées. Ces nanomatériaux pourraient être utilisées dans l’électronique, les capteurs et la catalyse.
    6. Cosmétique et pharmacologie : Les biomatériaux sont utilisés dans l’industrie cosmétique et pharmaceutique pour le développement de produits de soin de la peau et d’agents thérapeutiques. 

    Focus sur les diatomées

    Les diatomées sont les premiers organismes unicellulaires producteurs de silice, que ce soit en terme de quantité que par la variété et la complexité des structures formées. Le nombre d’espèces de diatomées connues dépasse les 10 000, et Nelson et al (1995) ont estimé qu’elles étaient responsables à elles seules de 40 % de la capatation de CO2 dans les océans.

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    Diatomée

    La paroi des diatomées est appelée frustule. Elle est composée de silice associée à de la matière organique. La silice du frustule porte des perforations ainsi que des processus qui permettent les échanges avec le milieu extérieur

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    Diatomée

    Formation de la structure siliceuse

    La silicification chez les diatomées est un processus dynamique contrôlé qui se déroule en différentes étapes. D’abord la paroi se forme à l’intérieur d’un compartiment cellulaire dédié dont la croissance et la forme sont contrôlées par le cytosquelette. Ensuite à l’intérieur de ce compartiment, la condensation du silicium est contrôlée par des protéines et des polysaccharides (Tesson and Hildebrand 2013, Tesson et al 2017). 

    Ils existent une grande variété de structure formée par la multitude d’espèces de diatomées (Fig. 1). Ces différences reflètent le contrôle génétique sur le processus ainsi que la nécessité de composants spécifiques à l’espèce pour construire cette structure particulière.

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    Références

    Addadi L, Weiner S (1992) Control and design principles in biological mineralization. Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 31: 153-169.

    Addadi L, Moradian J, Shay E, Maroudas NG, Weiner S (1987) A chemical model for the cooperation of sulfates and carboxylates in calcite crystal nucleation: Relevance to biomineralization. Proc. Natl. Acad. Sci. 84: 2732-2736.

    Burne RV, Moore LS (1987) Microbialites: Organosedimentary deposits of benthic microbial communities. PALAIOS 2: 241-254.

    Fein JB, Scott S, Rivera N (2002) The effect of Fe on Si adsorption by Bacillus subtilis cell walls: insights into non-metabolic bacterial precipitaion of silicates minerals. Chem. Geol. 182: 265-273.

    Lowenstam HA (1981) Minerals formed by organisms. Science 211: 1126-1131.

    Mann S (1988) Molecular recognition in biomineralization. Nature 332: 119-124

    Nelson DM, Tréguer P, Brzezinski MA, Leynaert A, Queguiner B (1995) Production and dissolution of biogenic silica in the ocean: revised global estimates, comparison with regional data and relashionship to biogenic sedimentation. Global Biogeochem. Cycles 9: 359-372.

    Rodriguez-Navarro C, Jimenez-Lopez C, Rodriguez-Navarro A, Gonzalez-Munoz MT, Rodriguez-Gallego M (2007) Bacterially mediated mineralization of vaterite. Geochim. Cosmochim. Acta 71: 1197-1213.

    Round FE, Crawford RM, Mann DG (1990) The diatoms: Biology and morphology of the genera., Cambridge.

    Tesson, B. C. Gaillard, et V. Martin-Jézéquel, « Brucite Formation Mediated by the Diatom Phaeodactylum Tricornutum », Marine Chemistry 109, no 1‑2 (février 2008): 60‑76.

    Tesson, B. and M. Hildebrand, Dynamics of silica cell wall morphogenesis in the diatom Cyclotella cryptica: Substructure formation and the role of microfilaments. Journal of Structural Biology, 2010. 169(1): p. 62-74.

    Tesson, B. and M. Hildebrand, Extensive and Intimate Association of the Cytoskeleton with Forming Silica in Diatoms: Control over Patterning on the Meso- and Micro-Scale. Plos One, 2010. 5(12).

    Tesson, B. and M. Hildebrand, Characterization and Localization of Insoluble Organic Matrices Associated with Diatom Cell Walls: Insight into Their roles During Cell Wall Formation. PLoS ONE 2013, 8(4).

    Tesson, B Sarah J. L. Lerch, et Mark Hildebrand, « Characterization of a New Protein Family Associated With the Silica Deposition Vesicle Membrane Enables Genetic Manipulation of Diatom Silica », Scientific Reports 7, no 1 (18 octobre 2017): 13457.

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